Quelques gouttes de sang perlent de son oreille droite. Jambe droite comme désarticulée, l’axe du bassin à plus de 60° des épaules. Un œil légèrement ouvert et l’autre fermé, lèvres tremblotantes. Des gémissements irréguliers, comme une protestation. Il fait beau, très beau. Le ciel d’azur pourrait laisser penser à une belle journée estivale mais un insupportable drame fusille l’atmosphère…
Quelques instants plus tôt, les deux amoureux, marchant sur le chemin au dessus, entendent de drôles de gémissements, râles sourds.
- « C’est quoi ce bruit ?»
- « Sûrement un mouton ou une chèvre coincés dans un fourré ? »
Un gars dévale la pente, surexcité, tendu : « il est où ? Il a disparu juste après le décollage » !
Tous les trois descendent droit le long de l’escarpement sur une centaine de mètres et trouvent le parapentiste encore accroché à sa voile, immobile, au sol. Une image de pantin, corps vrillé, du sang …
Très rapidement l’un des deux randonneurs saisit son téléphone portable, avant même de s’approcher du corps. Les deux autres, paniqués, viennent à proximité immédiate du parapentiste.
Celui-ci avait décollé le premier de son groupe, quelques minutes plus tôt, à une centaine de mètres au dessus, depuis l’aire d’envol de Puy Aillaud, sur la commune de Vallouise.
Les conditions aérologiques étaient loin d’être optimales…Le vent du nord juste au-dessus du décollage, face sud, cisaillât le parapente qui se fermât à droite sur environ la moitié de son envergure.
Brusque rotation sur 360°, cataplexie du pilote incapable de réagir. Impact violent sur le sol, de plein fouet, écrasement dans la pente raide et escarpée, mi broussailles, mi roches acérées.
Le numéro des secours, le 112, ne sonnât qu’une fois avant que le Codis de Gap (centre opérationnel départemental d'incendie et de secours) ne réponde à l’appel, demandant à son interlocuteur d’abord de se calmer, puis de commencer par dire son nom, se localiser et indiquer précisément et succinctement la nature de l’accident.
Le centre d’appel mit le témoin, fébrile et tremblant, en attente pour lancer les secours. L’opérateur revint vers l’homme au téléphone pour lui demander plus de précisions (mieux décrire le lieu, expliquer la situation de l’accidenté etc.) afin de bien aiguiller, guider, les intervenants.
Alerte au détachement aérien de la gendarmerie (DAG) de Briançon dans le nord des Hautes Alpes. Le Codis signale une demande d’intervention sur la commune de Vallouise. Le pilote, le mécanicien navigant et les deux secouristes d’astreinte ce jour là se pressent vers Choucas 05, l’hélicoptère EC 145 des secours. Décollage en quelques minutes pour récupérer le médecin, déjà alerté, sur le toit de l’hôpital des Escartons à quelques centaines de mètres de là.
Monter et passer par dessus le massif du Montbrison ou suivre la Durance et pénétrer en Vallouise par les Vigneaux. Seconde option, cela sera plus rapide. Le bimoteur file dans le ciel, les cinq occupants, rapidement, élaborent une stratégie d’intervention. Ils se connaissent bien, travaillent très souvent ensemble, ont suivi des entraînements communs. Un premier secouriste sera déposé à bonne distance de la victime, sécurisera les lieux pour éviter que le parapente ne se regonfle sous l’effet du rotor de l’hélico. La situation tournerait alors au sur-accident, dramatique ; embarquant, au pire, l’hélico à son tour vers le sol. Scénario catastrophe.
Le toubib sera ensuite hélitreuillé pour stabiliser le blessé. Le deuxième secouriste rejoindra ses collègues au sol pour préparer l’hélitreuillage et l’évacuation vers l’hôpital.
Moins de 30 minutes, après que le malheureux vacancier rebondisse violemment sur la planète, Choucas 05 survole la zone. La première heure (« Golden Hour » comme disent les anglo-saxons) offre parfois une ultime et dernière chance aux victimes les plus graves.
Le parapentiste, entre la vie et la mort, conditionné dans la barquette et accompagné du secouriste rentre dans l’habitacle de l’EC145, suivi du médecin et du second secouriste. Direction l’hôpital de la sous préfecture des Hautes Alpes. Premiers soins et diagnostics sur place. Évacuation sanitaire en direction du CHU de Grenoble à la Tronche le soir même, toujours grâce au secours aéroporté briançonnais. Nombreuses opérations et mois d’hospitalisation sans compter la rééducation.
Le blessé survivra…
Comment ce miracle est-il possible ? Là ou dans 80 % des autres pays du monde, les secours uniquement terrestre, ou privé et payant, voir inexistant n’auraient pas permis que cette vie soit finalement sauvée.
Vidéo DAG / PGHM / CRS secours en montagne
Quelques captures vidéo de l’hélicoptère des secours au hasard de rencontres dans le briançonnais, le massif des Ecrins, à l'entrainement ou lors de démonstrations.
Les moyens des secours en montagne
Plusieurs opérateurs assurent ensemble cette mission : les secouristes du PGHM (Peloton de Gendarmerie de Haute Montagne) ou de la CRS (Compagnie Républicaine de Sécurité) de montagne de Briançon qui utilisent l’hélicoptère du DAG (Détachement Aérien de la Gendarmerie), si la météo le permet. Une équipe de médecin de l’hôpital spécialement formée aux secours en montagne participe aux interventions lors des situations les plus médicalement critiques.
DAG Briançon
Le capitaine Eric Guichard, pilote depuis de nombreuses années sur différentes machines, également instructeur, dirige le détachement aérien de la gendarmerie de Briançon. La base dispose d’un hélicoptère Eurocopter (entreprise aujourd’hui nommée Airbus Helicopter) BK117, dit EC 145, ou encore Choucas 05. La machine équipée de deux turbines, d’une large cabine et de performances élevées dispose d’une avionique « glass cockpit », comme dans un avion de ligne moderne.
Le DAG de Briançon (05) constitue avec ses homologues de l’hexagone un véritable réseau de secours aériens : Chamonix (74), Modane (73), Digne (04), Hyères (83), Ajaccio (2A), Vélizy-Villacoublay (78), Amiens-Glisy (80), Montpellier (34), Tours (37), Bayonne (64), Rochefort (17), Rennes (35), Saint-Nazaire (44), Tarbes (65), Dijon (21), Metz (57), Égletons (19), Colmar (68), Mimizan (40), Toulouse (31), Pamiers (09), Lyon (69), Mérignac (33), Limoges (87).
La sécurité civile dispose également du même appareil qui se surnomme « Dragon » suivi du numéro du département de rattachement. Les plus proches des Hautes Alpes sont les deux Dragons 38 que l’on voit parfois intervenir dans le massif des Écrins lorsque Choucas 05 n’est plus disponible. Nous vous proposons sur ce même site web/blog des images de Dragon 06 (Alpes Maritimes) et Dragon 63 (Puy de Dôme-Auvergne).
Une des particularités locales, par exemple par rapport à la base (DAG) de Chamonix, tient aux distances entre l’hélistation et les lieux d’interventions. Le massif du mont blanc, plus compact que celui des Écrins, autorise plus facilement de venir récupérer des équipements de secours supplémentaires à la DZ des bois, en périphérie de Chamonix, située véritablement au pied des hauts sommets. Les distances en Écrins sont plus grandes, les vallées plus sauvages.
Choucas 05, dont le périmètre d’action classique couvre le département du 05, s’éloigne souvent assez loin de Briançon vers le sud ou l’ouest du département, et même nettement plus loin en Savoie, Isère ou Alpes de Hautes Provence, si requis.
Les caractéristiques techniques de l’EC145 le rendent particulièrement adapté au secours : treuil de 90 mètres, puissance des deux moteurs pour voler et monter plus vite, par exemple au sommet de la Barre des Ecrins ou du Pelvoux, vol de nuit à l’aide de jumelles de vision nocturne pour les cas d’urgences vitales, capacité d’emport exceptionnelle etc.. L’engin dispose d’une autonomie de 600 km, monte jusqu’à prés de 5000 mètres selon son poids et la densité de l’air. Il tient l’altitude en cas de panne d’un de ses deux moteurs jusqu’à 2400 mètres d’altitude. Le vol en haute montagne requiert des compétences spécifiques tant l’aérologie, le relief accidenté rendent les vols techniques.
Toutes ces qualités dont ne disposait pas l’ancienne Alouette 3 (A3) pourtant très agile et maniable et dont vous pouvez découvrir quelques images sur cette page.
Le DAG de Briançon, logé en réalité sur la commune limitrophe de Villard Saint Pancrace, en plus d’être le siège du vecteur aérien des secours est également Centre de Vol en Montagne (CVM) destiné aux perfectionnements et à la qualification des pilotes. Le vol en montagne possède des caractéristiques marquées aussi bien en termes de conditions aérologiques (rabattants, turbulences, visibilité etc.), qu’aérodynamiques (baisse de la densité de l’air en altitude…) qui requièrent un apprentissage spécifique.
Visites virtuelles à 360°/360° de l’EC145 Choucas 05 sur la base du DAG
Cliquez sur les liens en orange pour vous déplacer dans la visite virtuelle à 360° et accéder à d'autres angles de vues.
- La base de secours (DAG) de Villard Saint Pancrace/Briançon compte trois pilotes et quatre mécaniciens navigants/treuillistes à demeure, ainsi qu'un OAA (opérateur aéro-surveillance/secrétaire) dans l'effectif qui est donc de huit personnels pour le détachement aérien des Hautes Alpes, sans compter, bien sûr, les secouristes du PGHM et des CRS.
- 700 missions et autant de secourus par an pour un total d'environ 480 heures de vol.
- L'EC 145 mesure une dizaine de mètres de long pour un rotor de onze mètres. Masse maxi en vol de 3,5 tonnes, 1,7 tonnes de charge utile dont 550 kg de carburant. Hauteur 4 mètres au niveau des 4 pales. Environ 250 km/h de vitesse de croisière. Puissance moteur totale 780 ch. Taux de montée 660 m/min. Plus de 800 exemplaires construits et livrés.
- Temps de vol depuis la base de Briançon : sommet de la Barre des Ecrins à 4102 mètres d'altitude 8 mn, refuge du Viso au fin fond du Queyras 11 mn, Aspres sur Buech 15 mn. En cas d'évacuation médicale hors du 05 (8% des cas) : hôpital de Marseille 55 mn, hôpital de Grenoble 25 mn.
- La proportion de secours est de 87% (avec les recherches personnes incluses), le reste sont des missions de dépannage des relais montagnes, entraînements et missions propres à la gendarmerie (surveillances, police judiciaire etc...).
Les secouristes PGHM et CRS
Le PGHM et les CRS se relaient une semaine sur deux. Deux secouristes assurent la permanence sur la base, prêts à partir immédiatement. Deux autres en pré alerte activable en quelques minutes. Un troisième binôme se tient prêt en à peine plus de temps.
Une vingtaine de membres constitue chacun de ces groupes qui alternent donc entre secours, entraînements et repos. Les trois quart des secouristes disposent du diplôme de guide de haute montagne, ainsi que de qualifications diverses de secouristes. Les cultures d’intervention peuvent éventuellement varier un peu entre les CRS et le PGHM mais les résultats et objectifs sont les mêmes : sauver et assister ceux qui en ont besoin.
Le bon sens, l’efficacité et le dévouement priment sur toutes procédures trop contraignantes et pré établies. Les secouristes bénéficient d’une grande expérience que ce soit sur la base de Briançon ou dans d’autres affectations comme par exemple à Chamonix.
Notez que les secours, en cas de mauvais temps, ou en pleine nuit ne peuvent pas toujours utiliser la voie des airs et rejoignent donc les victimes par voie terrestre à l’aide de véhicules 4/4, scooter des neiges, si possible, puis à pied ou à ski…
Les médecins du secours en montagne
Une équipe d’une vingtaine de médecins se tient à disposition, par roulement, depuis l’hôpital de Briançon, pour embarquer dans l’hélicoptère ou participer aux caravanes terrestres de secours. Spécialiste de la réanimation en milieu périlleux et des urgences, ils disposent également de compétences permettant d’évoluer en autonomie en milieu montagnard. En quelques minutes l’urgentiste d’astreinte se poste sur le toit de l’hôpital et embarque dans l’hélicoptère se projetant sur le lieu du secours.
Restez toujours prudent lors de vos pratiques de loisirs, un petit accident en montagne peut avoir des conséquences graves. Prenez le temps d’analyser les conditions, n’hésitez pas si besoin à renoncer à une sortie ou activitée. Profiter des services de professionnels de la montagne (guide, accompagnateur, moniteur de ski, parapente, VTT etc...) permet une pratique en sécurité même si le risque zéro n’existe pas en environnement dit ouvert et sauvage. Consultez les bulletins météorologiques pour bien connaître les risques d’avalanche en hiver ou d’orage en été.
Les conditions météo ne permettent pas toujours l’intervention aéroportée. Les secouristes feront toujours le maximum pour vous porter assistance mais n’oubliez pas le coût financier, à la charge de la collectivité, ainsi que l’engagement humain et les risques potentiels, que représente un secours.
En cas d’accident grave composez le 112, indiquez votre nom, votre position et décrivez précisément et calmement la situation.
Merci aux secouristes du PGHM, des CRS et au Capitaine Eric Guichard de leur sympathie et temps consacré pour répondre à nos questions.
Vidéo d'une demonstration de secours aérien à Briançon
Le PGHM et la CRS de Briançon "aero-véhiculé" par "Choucas 05" l'EC 145 du DAG de Villard Saint Pancrace lors d'une demo de secours aérien au mondial de l'escalade 2018.
Liens:
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Forces_a%C3%A9riennes_de_la_Gendarmerie_nationale
- https://fr-fr.facebook.com/Choucas-H%C3%A9licopt%C3%A8re-Gendarmerie-292321204152639/
- https://www.defense.gouv.fr/gendarmerie/metiers/specialites/les-forces-aeriennes-de-la-gendarmerie
- https://fr-fr.facebook.com/pghmdebriancon/
- http://www.secours-montagne.fr/IMG/pdf/SecoursMontagneBriancon.pdf et http://www.secours-montagne.fr/